Karine Maurel

Hypersensibilité, une vie autrement.

L’hypersensibilité est connue et reconnue mais la sensibilité mise en avant, celle qui arrive dans nos esprits lorsque l’on en parle d’hypersensibilité est l’hypersensibilité émotionnelle.

Vous me connaissez maintenant et vous savez que je suis alexithymique et l’on me qualifie de très haut-potentiel intellectuel (THPI).

L’alexithymie, pour faire court, mais vous le savez déjà, pourrait se traduire littéralement par « sans mot pour les émotions, » ou plus justement par « l’incapacité à exprimer verbalement ses émotions. »
En effet, étymologiquement, « alexithymie » vient du grec et signifie, α (a) = absence de, λέξις (lexis) = mot ou expression et θυμός (thymos) = le siège des sentiments, des passions et des émotions.

Alors comment moi, alexithymie, je pourrais et JE SUIS une véritable hypersensible ?


Oui, ce n’est pas si facile mais je suis là pour t’aider !

L’hypersensibilité sous toutes ses formes.

Il existe plusieurs types d’hypersensibilités et c’est dont nous allons parler aujourd’hui.
Il y a certes et nous l’avons vu plus haut,  l’hypersensibilité émotionnelle, que nous ne traiterons pas dans cet article puisque tout le monde la connait, mais il y a aussi l’hypersensibilité sensorielle.

Depuis l’antiquité, on dit que l’être humain a 5 sens, 5 sens que l’on connait tous, la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût, mais depuis quelques années les scientifiques en admettent d’autres, qui restent méconnus du grand public et qui sont la proprioception, l’équilibrioception, la thermoception et la nociception.

Définissons, en quelques lignes, tous ces nouveaux sens.

  1. La proprioception
    La proprioception (du latin proprius, « propre » et de [ré]ception) est la perception profonde, consciente ou non, de la position des différentes parties de son corps.
  2. L’équilibrioception
    L’équilibrioception aide à prévenir et à anticiper les chutes, c’est le sens de l’équilibre.
  3. La thermoception
    La thermoception permet de déterminer la chaleur ou son absence (froid) par la peau.
  4. La nociception
    La nociception est la perception des stimulus lésionnels ou potentiellement lésionnels. Ce sens est associé à la perception de la douleur.

Définissons maintenant l’hypersensibilité proprement dite

Nous pensons souvent à tort que l’hypersensibilité n’est présente que chez les personnes porteuses d’un trouble du neurodéveloppement. Effectivement c’est l’une des caractéristiques, tout comme le handicap, la maladie ou un problème psychologique, mais elle peut également concerner tout le monde.

Ce sont les stimuli extérieurs qui vont toucher voire excéder la personne hypersensible.
En effet, l’hypersensible va percevoir avec une intensité excessive les stimuli de son l’environnement, entrainant une confusion, dans les cas les plus légers, jusqu’à une extrême douleur, pour les plus sensibles.
Les informations non filtrées, transmises au cerveau provoquant une extrême fatigue.
Pour les personnes neurotypiques (sans troubles neurologiques), ces réactions sont souvent incomprises de ceux qui les entourent et c’est pour cela aujourd’hui que je prends ma plume, afin que nous regardions d’un peu plus près tout cela et que vous puissiez, mieux appréhender la problématique, si elle ne vous concerne pas.

Mais attention, lorsque nous parlons d’hypersensibilité sensorielle, la première chose qui nous vient à l’esprit et surtout lorsque l’on transpose cette hypersensibilité aux surefficients intellectuels, c’est l’autisme grave. Ne tombons pas dans ce piège, car nous savons tous, par expérience, que l’autisme se présente sous diverses formes et surtout avec un degré d’intensité qui varie chez chaque personne.

Dans cet article, je vais vous parler de l’hypersensibilité qui peut toucher tout le monde car selon une étude publiée en 2009, Saverio Tomasella explique qu’un 1/4 de la population serait hypersensible émotionnel et 16% sensoriel, ce n’est donc pas un sujet à traité à la légère.
Et il ne faut pas non plus se dire que tous les haut-potentiels hypersensibles sensoriellement ont un trouble autistique, ce serait une très grave erreur. Comme exemple, je peux parler un peu de moi, en vous certifiant, comme je vous le disais plus tôt, que je suis THP mais surtout sans trouble autistique.

Une autre chose à prendre en considération, c’est le fait qu’un trouble n’est jamais là seul et la personne est consciente de son hypersensibilité principale, mais minimise l’impact de ses autres hypersensibilités.

Quand l'hypersensibilité devient douleur

Quand l’hypersensibilité sensorielle devient douleur, on l’appelle hyperesthésie.

Pour mieux comprendre, l’hyperesthésie peut être permanente, on dit aussi chronique ou temporelle, suite à un choc ou un traumatisme.
Elle se caractérise par une augmentation de la sensibilité, par rapport au commun des mortels et agit sur n’importe lequel des sens. Elle peut atteindre et affecter un ou plusieurs sens, en donnant stress, douleurs, vertiges, nausées… d’une intensité maximale, surtout lors de grande fatigue.

Cas d'école

Je vais vous présenter ici, quelques-unes des personnes que je côtoie ou que j’ai rencontré dans le cadre de mon travail de coach. Tous sont comme moi, des hypersensibles sensoriels.

  1. Sébastien, animateur audiovisuel

Sébastien à 50 ans cette année et vedette radio.
Connu et reconnu, il a trouvé sa place dans cet environnement, ses invités sont souvent interviewés par téléphone et les stimuli extérieurs qui habituellement le dérangent sont maîtrisés.
En effet, Sébastien réagit au son et à la lumière, il a une hypersensibilité visuelle.
Il porte régulièrement des lunettes de soleil car il a l’impression d’être constamment éblouie et cela s’accompagne de douleurs, voire de migraines, l’empêchant même de fréquenter certains lieux baignant dans la clarté. Une journée de printemps, qui pour vous est agréable devient pour lui un moment insupportable.
« La lumière en studio, je la règle à ma guise, les techniciens sont là pour m’y aider, » explique-t-il. « Je n’ai jamais rien caché à mes patrons, ils ont toujours été très compréhensifs et maintenant que je suis mon propre patron, tout est encore plus simple. »
Il est vrai, qu’il n’est pas toujours facile de trouver des personnes compréhensives, non compatissantes. Des personnes non agacées de vivre au quotidien ce handicap invisible qu’est l’hypersensibilité.

Sébastien réagit aussi aux sons extérieurs mais plus comme des bruits de bouche, de papier froissé, de sons étouffés, même aux bruits blancs, bruits qu’il ne rencontrent pas en studio ou vraiment qu’occasionnellement. Il a une hypersensibilité auditive appelée hyperacousie.

« Quand je suis chez moi et qu’un bruit m’agresse, je mets de la musique pour étouffer ce bruit. Tu sais, j’ai passé le test pour l’audition, je pensais avoir des acouphènes mais le docteur m’a expliqué que j’entendais trop bien, tu te rencontres de l’ironie ? J’entends les bruits infimes mais aussi les bruits extrêmes, j’entends les aigües mais aussi les graves, j’ai une meilleure audition que la moyenne des personnes. L’ORL m’a dit qu’il ne voyait qu’une personne comme moi dans l’année et qu’il avait donc fait son quota annuel, » sourit-il, « il faut dire que je suis allé le voir début janvier… »  Sébastien comme souvent pour les hypersensibles de l’audition a l’oreille parfaite et l’oreille absolue, on comprend alors mieux son choix de travail.

         2. Marielle, ma bébé-coach

Avant de commencer, pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un bébé-coach, c’est le terme employé à l’INA (Institut des Neurosciences Appliqués), pour désigner un nouvel élève, qu’un élève certifié prend sous son aile et aide à atteindre le Saint Graal, la certification.

Cela étant dit, Marielle a partagé avec moi, son souci d’hypersensibilité.
Marielle est une hypersensible émotionnelle mais pas seulement. Elle a aussi une sensibilité olfactive importante.
Elle explique très bien cette hyperosmie, « cette sensibilité émotionnelle, je la ressens depuis toute petite, car j’ai l’odorat qui est super développé. Ce qui a ses avantages et ses inconvénients, » me dit-elle lors de notre entretien, « je perçois même les plus faibles odeurs, les bonnes odeurs et dès que tu as une odeur désagréable, elle te saute au nez et me donne la nausée ! »
        Je perçois tout à fait cette agression qu’elle est en train de me décrire, car oui, c’est vraiment une agression que la personne ressent et c’est ainsi que vous devez entendre le discours de quelqu’un qui vous le raconte, même si vous, vous n’êtes pas concernés.

Marielle, comme Sébastien, a une hypersensibilité auditive. Dans ses explications, elle décrit sa mâchoire qui se crispe, quand les sons sont trop intenses. « Dans ces moments-là, soit je vais m’isoler, soit je demande aux gens d’arrêter, parce que je ne peux plus supporter le bruit. Quand ce sont mes enfants, l’irritation est plus rapide et je leurs dit chut ! Là, il faut arrêter de me parler tous en même temps parce que mon cerveau va exploser. »
En creusant un peu pour en savoir plus, elle m’explique que « c’est comme si mon cerveau veut tout entendre en même temps. Il est sollicité de toutes part et veut tout capter, tout prendre. »

Marielle cumule cela avec de l’hypersensibilité visuelle, ses yeux régissent aux sources de lumière, dès lors qu’elle est fatiguée, les lumières des centres commerciaux, par exemple.
Dans la nuit, la moindre lumière la réveille, comme la loupiote du chargeur du portable… « la seule solution que j’ai trouvée est de dormir avec un coussin sur les oreilles. » Dormir la tête sous un coussin, en protection, en prévention, voilà les parades que trouve chaque hyperesthésique.

Un autre sens qui est en hypersensibilité chez Marielle, le touché. Elle ne supporte pas la laine, ni les mini-miettes que l’on peut retrouver sur le canapé ou le lit après une passage d’un enfant par exemple, ces miettes microscopiques que l’on ne voit pas à l’œil nu. Ahaha ! Je sais que certains lecteurs vont se reconnaître.
A ce sujet, me dit Marielle en riant, « ma mère m’appelait, la Princesse aux petit-pois, quand j’étais petite, parce qu’il y avait un truc dans le lit que tu ne vois pas, mais il est là et moi, je ne pouvais plus dormir ! »

        3.  Ma maman

      J’ai interviewé ma maman pour faire cet article car je sais qu’elle a une hyperacousie, mais ce n’est pas la première chose qui ressort lors de notre entretien.

      La première chose dont elle me parle est l’hypersensibilité visuelle, elle m’explique que la lumière du soleil l’incommode et qu’elle est souvent obligée d’entrebâiller les volets de la cuisine. Mais sa vision n’a aucun souci, bien au contraire, puisqu’elle est capable de voir très bien et même de loin. Elle me donne des exemples où elle parvient à voir des choses que même les plus jeunes, comme ma petite nièce, qui n’a aucun souci visuel, ne parviennent pas à voir de loin.

      Côté olfactif, depuis son opération des sinus, elle ne parvient plus à sentir les odeurs agréables mais malheureusement pour elle, ses perceptions des effluves nauséabondes ont été décuplées.
Ceci a aussi ses bons côtés puisque dernièrement, elle a été capable de sentir une fuite de gaz de la plaque de la cuisine, avec une odeur minime que les autres, comme mon papa, ne percevaient qu’en s’approchant de la plaque.

      Mais l’hypersensibilité olfactive dérangeante s’associe souvent à l’hypersensibilité gustative et c’est ce qu’a ma maman.
Ce trouble est plus rare. Une personne hypersensible des papilles gustatives va éprouver un profond dégoût pour la plupart ou certains aliments précis.
« Arriver chez quelqu’un, alors que je ne suis que devant la maison et que je sais déjà que l’on va manger cela, avant même de rentrer. Et que ça commence à m’écœurer… Comme, par politesse, tu es obligée de manger le plat que l’on te propose, tu es sûre que tu vas attraper mal à l’estomac, » m’explique-t-elle. « C’est comme manger quelque chose de gras, l’odeur m’incommode mais le manger est encore pire. »
Manger est un problème puisque les aliments provoquent des nausées. Pour palier ce trouble, il faut préférer des aliments faciles à ingurgiter, ce qui est difficile lorsque l’on est invité.

       Nous sommes ensuite revenues sur son hyperacousie.
Comme moi, elle peut tenir sans problème deux conversations, elle est aussi capable d’entendre ce qui se passe de l’autre côté de la maison.
Je me souviens que lorsque j’étais petite et qu’elle était gardienne agréée, elle disait aux enfants qu’elle avait sous sa responsabilité, qu’elle voyait à travers les murs, quand elle les entendait faire une bêtise dans la pièce d’à côté. Ça c’est le côté positif, celui qui fait sourire, mais comme toute sensibilité, le côté négatif insupporte et en devient même quelques fois atroce.
Certains bruits, comme le bruit du papier ou le froissement des feuilles plastiques exaspèrent et d’ailleurs ce dernier est le bruit qu’elle entend quand le silence arrive. Bruit fantôme terriblement incommodant, « même en lisant c’est gênant ! C’est comme un bruit de froissements. Les bruits de frottements aussi me gênent, comme le frottement des pieds ou des mains… »

 

         4. Elodie, adolescente renfermée

Elodie vient me voir en coaching car elle est tellement angoissée par les bruits de bouche et de respiration, qu’elle ne peut plus prendre ses repas en famille, ni regarder la télé avec sa sœur et ses frères. Au début, ses parents ont pris cela pour des caprices, mais aujourd’hui tout le monde en souffre, sa maman a tout essayé, l’obligation, la punition, les câlins… rien n’y fait.
Elodie est constamment contrariée, irritée ou se met dans une colère intense lorsqu’elle entend sa sœur mâcher, même la bouche fermée, quand son frère renifle ou que son petit frère chantonne, lorsque son papa tape sur son clavier… Elodie subit la misophonie.
Peur, colère, stress, détresse, rage… sont son quotidien et le plus difficile pour elle, sont les paroles de ses proches, « Arrête de faire ta chochotte, » « remets-toi en selle, secoue-toi, tu ne peux pas rester comme ça, » « arrête de vouloir tout contrôler, » et la phrase d’elle déteste le plus, « lâche prise ! »

L’incompréhension est le plus difficile pour l’hypersensible.
Nous en avons alors discuté en famille, je leurs ai décrit ce que pouvait ressentir Elodie avec des métaphores choisies.
En expliquant aussi que ses oreilles fonctionnaient normalement, mais que cependant, les sons traités par le cerveau déclenchaient le système limbique. Ce qui, je ne vous apprends rien, met en marche le système d’alarme d’urgence, au point de rendre les plus solides irritables, effrayés ou de les mener dans une colère folle.

Le soulagement d’Elodie s’est fait ressentir immédiatement, « je ne suis pas folle, alors ? »
Je lui ai conseillé une thérapie par le son, elle est maintenant capable de tolérer les autres et reprend même ses repas en famille.

      5. Pour ma part

Je suis une hypersensible auditive, olfactive et tactile.

Comme Marielle, je ne supporte pas les petites poussières invisibles à l’œil nu mais que la main repère.

Au niveau de l’odorat, j’ai dû me faire accompagner par un biothérapeute, Jean Cardinale, car cette hypersensibilité était tellement extrême que je l’avais coupée grâce à une polypose nasale.
Pour le reste, le travail effectué à l’INA et sur mes autres formations, m’a aidé à trouver la force et la sérénité pour chacune de mes hypersensibilités.

Je peux maintenant le partager avec vous et j’espère que ces quelques lignes vous aideront dans la compréhension de l’autre ou de vous-même.

Quelles sont les conséquences de ces hypersensibilités ?

Le stress, la fatigue et l’irritabilité arrivent Number One !
Suivis de très près par l’évitement des activités sociales, l’enfermement, la difficulté de certaines activités quotidiennes, la tension, les conflits, l’isolement et la dépression.

En conclusion

Toutes les personnes avec qui j’ai échangé me l’ont confirmé, le plus dur, en plus de subir cette hypersensibilité est l’incompréhension des autres ; ce regard posé sur vous, ces mots dit qui font tout aussi mal.
Ma maman l’exprime très bien en disant, « quand tu fais une fête, tu ne peux pas y être tout à fait, il y a toujours une retenue, » et Sébastien de compléter, « si tu demandes constamment aux personnes qui t’entourent d’arrêter, de faire attention, de… de… de… tu deviens chiant (Sic.), les gens t’évitent et finalement, toi nous plus, tu n’as plus envie de sortir et le vide se crée. »

Ce renfermement est pernicieux, nuisant moralement à la personne. Rappelez-vous que cette hypersensibilité à un côté positif, ne vous sentez pas vous-même agressé par l’hypersensible, comprenez-le, c’est juste une caractéristique de sa personnalité.

Et pour l’hypersensible, voir les hyperesthésique, il faut arrêter de penser qu’il s’agit d’un défaut, voyons notre hypersensibilité comme un atout et transformons-le en chance, en acceptant notre différence. Comme Sébastien, utilisez-votre sens exacerbé pour qu’il devienne votre signature, votre marque ! Soyez vivant, soyez différent, soyez vous et profitez !!!

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1 réflexion sur “Hypersensibilité, une vie autrement.”

  1. Salut Karine, merci de te livrer ainsi, j’aime beaucoup, ça nous permets de se sentir moins seul et de découvrir des choses. Au plaisir.

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