Les impacts des réseaux sociaux
L’idée est ici de décrypter les impacts des réseaux sociaux, à travers les mécanismes inconscients de notre cerveau, résultant des notifications permanentes, par exemple, des conséquences du manque de temps d’ennui sur nos vies et nos prises de décisions.
Nous parlerons aussi des applications commerciales utilisant ces mécanismes (le neuromarketing).
Et enfin, je clôturerai par quelques solutions simples afin de s’extirper de cela et pourquoi c’est important ?
Les mécanismes inconscients de notre cerveau résultant des notifications permanentes.
Les notifications nous déconcentrent de nos taches primaires, un cours, un rendez-vous professionnel, un repas en famille… et nous font perdre en performance, je m’explique, il y a une règle simple qui peut vous permettre de mieux comprendre :
Je m’explique pour être performant, il faut utiliser tout son potentiel auquel on enlève les interférences, ici les notifications, le tout en fonction de la motivation de la tache primaire.
Notre cerveau est programmé pour avoir un esprit alerte, c’est son instinct de survie et de chasseur qui est sollicité, le cerveau primaire reptilien.
En effet, nous sommes attentifs à tout ce qui se passe autour de nous, nous sommes déjà programmés pour ne pas être concentré, donc la concentration en elle-même est compliquée, mais si on y ajoute des interférences, la tâche devient presque irréalisable.
Avec les applications, on prend notre cerveau à son propre jeu car lorsque l’on porte notre attention sur la notification et la chose sur laquelle nous portions notre attention au départ disparaît.
Comme la notification nous détourne, soit du travail, soit d’un cours, soit d’un moment en famille… pour nous rediriger vers une source de plaisir (que j’expliquerai un peu plus tard), il est extrêmement difficile de retrouver notre tâche primaire.
Une étude faite en 2018, montre qu’une fois le travail interrompu, il faut en moyenne 23 minutes et 15 secondes pour être à nouveau totalement concentré sur sa tâche de base.
Or une enquête réalisée, la première fois, il y a 12 ans, démontrait qu’un employé recevait près de 40 messages dans sa journée de travail, la même enquête réalisée l’an dernier, donne maintenant 210 messages par personne et par journée de travail, c’est colossal !
Le temps perdu équivaut au temps de l’interruption, plus le délai d’interruption auquel on ajoute la durée de la nouvelle tâche (scroller, lire un sms ou autre…) plus le délai de la reprise.
Il a été calculé que pour une tâche d’une heure effective, avec une interruption environ toutes les 12 minutes, pendant 5 minutes, plus les 23 minutes pour se remettre au travail, il va falloir 2h52 à une personne pour faire le travail qu’elle aurait pu effectuer en 1 heure.
Une autre étude, Baromobile 2020, estime à 23 consultations de notre smartphone en 2h environ, cela passe à 33 fois pour les plus jeunes.
Ajoutez à cela, les dernières découvertes faites avec le dernier rapport Statement of work (étude britannique réalisée chaque année depuis 6 ans), qui dit qu’il existe un réel écart de productivité, entre 40 et 43% de diminution de la production (plus de 3h/jour), entre une personne soumise aux notifications et autres distractions numériques, et une personne qui en fait l’impasse et vous comprendrez ainsi le travail de sape des notifications sur notre cerveau.
Addiction : les conséquences du manque de temps d’ennui sur nos vies et nos prises de décisions.
L’ennui est une émotion à part entière comme la colère, la peur, la joie ou la tristesse.
Elle se manifeste autant sur un plan physiologique (baisse de l’énergie, somnolence envahissante…) que sur le plan psychologique (permet de prendre de la distance, de réfléchir sur nous-mêmes…). Nous parlons donc bien là d’une émotion utile que nous perdons peu à peu avec l’utilisation intensive d’internet et de ses applications conçues pour nous tenir en éveil et connectés le plus longtemps possible.
Il est devenu insupportable de s’ennuyer, être là au repos, à ne rien faire, sans divertissement et surtout sans application, donnant ainsi une sensation de néant, d’abandon profond, de vide… le marasme ! Il est considéré comme absolu aujourd’hui de ne pas s’ennuyer.
Allez vite et se laisser guider fait parti des tendances qui découlent de cela, puisque notre cerveau est fait pour aller vite et éviter de prendre des décisions qui consomment de l’énergie.
De ce fait et selon le sondage de Pew Internet Project, on apprend que 67% des personnes interrogées possédant un téléphone portable regardent leur téléphone afin de pointer les messages reçus et cela même si leur smartphone n’a ni vibré, ni sonné. L’addiction est donc bien là !
Qu’entend-on par addiction ?
L’addiction est la quête du plaisir qui est propulsée vers une logique de dépendance.
Être Addict
En neurosciences, on dit souvent que le mécanisme de l’émergence du plaisir est associé à un petit groupe de régions cérébrales interconnectées les une aux autres, que l’on appelle la chaîne du plaisir ou le faisceau du plaisir.
Il faut comprendre que le plaisir est quelque chose de merveilleux mais qui peut aussi avoir son côté TRES sombre.
Le plaisir sans conscience devient une compulsion, une addiction qui s’associe à des changements à long terme dans les fonctions électriques, morphologiques et biochimiques des neurones, ce qui signifie plus simplement, que ce changement provoque des manifestations néfastes de la dépendance.
Si nous nous intéressons aux neurones de l’aire techmentale ventrale, que l’on appelle ATV et qui se situe très exactement au centre de notre cerveau, on s’aperçoit que ces neurones libèrent le neurotransmetteur que l’on appelle aussi l’hormone du plaisir, la dopamine.
Bon, je vous passe les détails un peu compliqués mais il faut savoir que c’est l’activation de l’ATV qui procure du plaisir.
En fait, une fois libérée la dopamine va chercher ses cibles, elle va être recyclée puis stoquée en attendant d’être à nouveau sollicitée et l’addiction empêche cette circulation en augmentant le taux de dopamine, ce qui engendre un plaisir proche de l’euphorie.
Expliquer ces conduites à la seule lumière, du plaisir est un peu réducteur, mais on va simplifier et rester sur la dopamine.
Comment devient-on addict ?
Une toute petite dose quotidienne d’internet est le moyen le plus sûr de devenir addict. C’est la régularité qui crée l’habitude et la dépendance au plaisir.
Ce qui est pernicieux puisque vous avez le sentiment de pouvoir vous arrêter quand vous le souhaitez, or l’habitude est installée.
On développe donc une addiction avec un mécanisme simple mais malsain qui augmente le seuil de tolérance et plus ce seuil augmente, plus le besoin va grandir. Plus la dépendance se développe et plus le désir va remplacer le plaisir, c’est à dire que, le fait de vouloir va être plus important que le fait de l’obtenir. Bizarrement, le manque va remplacer le plaisir sans que l’on s’en rende compte.
Et dans le cerveau, la structure nerveuse est configurée au niveau biochimique et si l’on veut éradiquer le mal, il faut faire un changement moléculaire et cellulaire, ce qui complique la chose et qui est rend propice la rechute. Il faut savoir que l’addiction modifie le circuit du plaisir et la plasticité du cerveau, jouant un rôle dans le processus de la mémorisation.
Le neuromarketing
Le neuromarketing est l’étude des mécanismes cérébraux susceptibles d’intervenir dans le comportement des consommateurs.
Les applications comme Snapchat, Insta, Facebook, Candy Crush ou encore Tinder, sont conçues pour que notre cerveau sécrète le neurotransmetteur du plaisir, de la motivation et de l’addiction, la dopamine.
Pour chacune de ces applications, le plus important est que tu restes connecté et actif sur la plateforme ou l’application, afin que tu augmentes ton taux d’engagement et par la même occasion, en prenant un très grand raccourci, leurs actions en bourse.
Le but est donc de nous rendre tous accros pour cela plusieurs astuces mais la plus fréquente, celle de déclencher de l’anxiété et pour cela rien de plus facile, car comme le montre le sondage de Pew Internet Project plus de 44% des personnes interrogés disent ne pas pouvoir dormir sans téléphone et 29% ne pensent pas pouvoir vivre sans leur smartphone.
L’anxiété est telle que chez certains, ces angoisses et ce stress à donner lieu à une nouvelle maladie : la nomophobie.
La nomophobie est donc la peur de perdre son téléphone portable et par voie de conséquence de louper quelque chose d’important.
Dans ce monde où tout va de plus en plus vite et où le fait de ne pas répondre à un mail ou un message dans la minute doit être justifié, la nomophphobie est l’addiction suprême au smartphone.
Cette peur est basée sur une réalité de notre fonctionnement cérébral, en effet, pour nos ancêtres chasseurs pêcheurs, il était essentiel de ne pas manquer une information source de nourriture car cela était une question de vie ou de mort, ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
Cette anxiété, toujours présente dna snotre cerveau se manifeste maintenant on line, c’est ce que l’on appelle le FONO (fear of missing out) ou la peur de rater une information hyper-importante et voire une expérience enrichissante, ce qui donne lieu à une connexion permanente. C’est aussi pour cela que même si tu scrolles ton fil d’actu durant plus de 20 minutes, tu te surprends à rafraîchir ta page pour voir s’il n’y a pas une nouvelle info encore plus vitale qui vient d’arriver.
Il faut savoir une chose importante en neuromarketing, c’est que l’information collectée à ton insu, à chaque connexion sur n’importe quel site, t’endoctrine toi-même à tes propres idées, puisqu’elles te sont ensuite reproposées et que tu t’enfermes dans ce qu’on appelle la bulle filtre.
La bulle filtre défini ton état d’isolement intellectuel et culturel, après que tu n’es plus accès aux informations universelles puisque l’on ne te propose plus que des informations choisies selon tes goûts, ta culture, tes choix vestimentaires, gastronomiques et tant d’autres… L’information est donc biaisée et ce filtre faussé en encore plus impactant chez les moins de 25 ans, puisque leur cortex préfrontal n’est pas encore structuré et que leurs émotions sont décuplées. Du coup, tu augmentes ton investissement, ton taux d’engagement et tu as l’impression que l’information est plus importante qu’elle ne l’ait en réalité, c’est ce qu’on appelle l’effet Ikéa.
Snapchat, YouTube, Insta, Candy Crush, Facebook, Tinder...
Il faut le savoir, chaque appli, chaque plateforme travaille pour vous rendre accros.
Snapchat a été le premier a retiré la pression sociale en retirant le like, ainsi le cerveau ne perçoit plus le rejet, néanmoins l’application fonction avec le message dopaminique puisqu’elle a mis en place le snap, qui est considéré par le cerveau comme un don et le don, nous le savons est universel, il est à la base de la communication de toutes les sociétés. Donc tu reçois, tu te sens obligé de redonner à la même hauteur et cet effet est démultiplié dans le cerveau de l’enfant et de l’adolescent puisque son cortex préfrontal n’est pas formé et/ou maturé alors que le circuit dopaminergique lui bat son plein !
De plus, Snapchat a ajouté une fonction machiavélique, la flamme et crée ainsi dans le cerveau l’aversion à la perte, tu as quelque chose que tu n’as pas demandé mais qui prend de la valeur avec la peur de le perdre…
YouTube fonctionne de deux manières différentes, avec un algorithme neutre et un algorithme recommandé pour vous, ils ont donc intégré pour cette dernière la fonction Autoplay, qui lance la vidéo suivante en la choisissant. Ils activent donc la passivité du spectateur qui préfère cette inertie qui évite la perte d’énergie, cela crée ce que l’on appelle l’effet Zeigarnik qui est de débuter une tâche et de la finir afin d’être satisfait, du coup les vidéos s’enchaînent sans jamais s’arrêter, augmentant la chambre d’échos, c’est-à-dire que tu aimes de plus en plus, ce que tu aimais déjà.
Instagram flatte l’ego de l’utilisateur. toutes les photos sont retouchées pour mettre en valeur la personne qui poste.
On sait que chaque comportement est lié à 3 choses, la motivation, ici le désir de montrer pour obtenir des followers et donc la validation sociale, la capacité de passer à l’action et là tu postes des photos toutes plus belles les unes des autres et enfin la motivation qui est augmentée par le fait de se montrer et d’obtenir des followers qui valident par le regard d’autrui, l’estime de soi.
Candy Crush se base sur la gestalt théorie qui dit que tu ne peux t’empêcher de mettre de l’ordre lorsque tout est en désordre dans les formes et les couleurs.
Au début l’application te fait croire que tu es fort puisqu’elle te laisse gagner à tous les coups, ton ego est valorisé, tu es dans l’illusion de la compétence. Le compliment active le striatum qui va sécréter la dopamine et te rendre addict. Avec le temps, elle augmente la difficulté, bien plus que tu ne peux réaliser et comme tu veux gagner toujours plus, tu te sens obligé d’acheter pour gagner.
Facebook a quant à lui une toute autre stratégie, considéré comme un réseau participatif, il est un outil d’interactions sociales qui collecte tes données, sur la quasi-totalité des sites que tu visites, grâce à son bouton mouchard. Avec, les ingénieurs vont créer une boucle rétroactive de validation sociale, en te faisant aimer ce que tu aimes déjà.
De plus, les likes ont évolué vers les 6 émotions universelles, que décrit Charles Darwin, ainsi il est plus facile de les analyser, que précédemment avec un simple like.
Tinder récompense le beau et l’esthétique et ici, c’est le swipe qui crée le circuit dopaminergique, avec la personne la plus vue et la plus appréciée.
Chaque application ou plateforme travaille différemment le circuit du plaisir mais tous passent par là pour nous rendre dépendants.
En conclusion
En conclusion, il est indispensable de trouver des solutions à l’addiction car même s’il est difficile d’en sortir, il est important de comprendre ses mécanismes au niveau cérébral, afin d’avoir plus de conscience et le moyen le plus sûr de surmonter la dépendance est à mon sens, une approche saine au plaisir, en comprenant sa nature.
Avant de retrouver une intelligence digitale, avec une façon de gérer de manière équilibrée et plus raisonnée notre rapport au numérique, il faut d’abord prendre conscience de l’importance des appli-gratitude afin de comprendre pourquoi nous en sommes tous prisonniers.
Un modèle peut peut-être être mis en avant, c’est celui de Michel Abitteboul, ingénieur mécanique, spécialiste des neurosciences.
Sa technique, celle du MOTUS :
- M pour Moment, regarder le moment de l’utilisation, si l’on est frustré, si on traverse un moment difficile ou autre,
- O pour Objet, regarder le pourquoi du besoin de cette info, quel plaisir il en découle,
- T pour Temps, définir le temps imparti,
- U pour Utilité, vérifier ce que j’ai vraiment appris,
- S pour Sensation, comment je suis ensuite ? Frustré ? Bien?
Mon intervention à ce sujet sur NC 1e la radio
J’ai été interviewée ce matin sur NC 1e la radio.
J’étais l’invitée de David Bilbaut, dans ligne directe et j’étais accompagnée d’Ingrid Wamytan et Emmanuel Rivet de DECLIC de l’ASSNC, d’Eric Olivier, directeur de l’observatoire du numérique et de Jérôme Bosson, expert Webmarketing chez La Fabrik nc.